M. Nicoletti (u.a. Hrsg.): Il modernismo in Italia e in Germania

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Titel
Il modernismo in Italia e in Germania nel contesto europeo.


Herausgeber
Nicoletti, Michele; Otto, Weiß
Erschienen
Bologna 2010: Il Mulino
Anzahl Seiten
498 S.
Preis
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Lorenzo Planzi

Il y a un siècle, le pape Pie X juge le modernisme comme une hérésie, dans son encyclique Pascendi dominici gregis du 8 septembre 1907. Une lettre adressée aux évêques du monde et à la chrétienté toute entière, dans laquelle le pontife condamne fermement «les erreurs du modernisme» et, par conséquent, les milieux où ce mouvement est né et a évolué au sein de l’Eglise. «Nous parlons – écrit-il – d’un grand nombre de catholiques laïques, et, ce qui est encore plus à déplorer, de prêtres, qui, sous couleur d’amour de l’Église, absolument courts de philosophie et de théologie sérieuses, imprégnés au contraire jusqu’aux moelles d’un venin d’erreur puisé chez les adversaires de la foi catholique, se posent, au mépris de toute modestie, comme rénovateurs de l’Église; qui, en phalanges serrées, donnent audacieusement l’assaut à tout ce qu’il y a de plus sacré dans l’oeuvre de Jésus-Christ, sans respecter sa propre personne, qu’ils abaissent, par une témérité sacrilège, jusqu’à la simple et pure humanité» (1). Par cette prise de position dure et catégorique, Pie X réaffirme sa condamnation, avancée une première fois déjà dans son décret Lamentabili Sane Exitu du 3 juillet 1907, du mouvement moderniste, qui tente de concilier la doctrine de l’Eglise catholique avec les exigences de la modernité.

Cent ans plus tard, comment pouvons-nous comprendre les mots du pape? Comment interpréter, en même temps, la portée ainsi que les contours du modernisme dans le contexte de son époque? Que dire, encore, à propos des maîtres à penser de ce mouvement né à l’aube du XXème siècle? Quelles sont, surtout, leurs idées, leurs revendications, mais aussi les limites de leur pensée? C’est à ces interrogations que répond, par une approche pluridisciplinaire et novatrice, le volume Il modernismo in Italia e in Germania nel contesto europeo. Celui-ci, paru récemment sous la direction des professeurs Michele Nicoletti (Trient) et Otto Weiss (Wien), réunit les actes du colloque de la cinquantième Semaine d’études organisée par le Centre pour les études historiques italo-allemands de la Fondation Bruno Kessler de Trient, qui a eu lieu du 23 au 26 octobre 2007.

Vingt historiens, théologiens et philosophes (provenant d’Italie, Allemagne, Autriche et Suisse) se lancent dans une réflexion approfondie sur le modernisme, c’est-à-dire sur la rencontre entre la théologie catholique avec les nouvelles méthodes scientifiques, avec les sciences naturelles modernes, avec la psychanalyse et l’anthropologie, donne origine, à l’intérieur de l’Eglise catholique, au mouvement moderniste, un phénomène qui participe au changement profond et à la démocratisation progressive de la société» (7). Il s’agit d’un mouvement remontant au tournant du XXème siècle, qui se développe dans plusieurs pays européens par l’apport d’intellectuels ecclésiastiques et laïcs. Tels que le prêtre et historien Ernesto Buonaiuti et l’abbé Romolo Murri, les deux excommuniés italiens, ainsi que l’écrivain Antonio Fogazzaro, auquel est dédiée la contribution de Paolo Marangon (Trient) sur «Fogazzaro tra evoluzionismo e modernismo» (241–254). En Allemagne, les idées du modernisme sont défendues par le théologien Joseph Schnitzer ainsi que par les deux jésuites Erich Wasmann et Josef Knabenbauer, auxquels est dédié l’essai de Klaus Schatz (Francfort-sur-le-Main) titré «Modernismo tra i gesuiti: i casi Hummelauer e Wasmann » (341–359). Ceux-ci – le premier biologiste et le second exégète – soutiennent que l’origine de l’homme du règne animal «serait compatible avec la doctrine biblique de la création» (341). En Angleterre, les personnalités modernistes les plus connues sont George Tyrell et Friedrich von Hügel, tandis qu’en France agissent Alfred Loisy, Lucien Laberthonnière et le dominicain Ambroise Gardeil, sur lequel se penche la contribution de Wolfgang W. Müller (Lucerne), «Dolorosi strascichi del modernismo: l’interpretazione dei dogmi di padre Ambroise Gardeil» (281–296).

Toutes ces personnalités, par leurs écrits et leurs enseignements, s’engagent afin que des façons de penser typiquement modernes puissent pénètrent dans la vie de l’Eglise: «L’idée de la liberté de pensée, du pluralisme et de la participation (des laïcs et des femmes), de la critique de l’autoritarisme, l’application de la méthode historique-critique, la confrontation avec la théorie de l’évolution de Darwin» (8). Ces revendications sont rapidement condamnées par l’autorité de l’Eglise. Cela non seulement par les documents pontificaux de 1907, mais aussi par toute l’action d’influence d’un pressure group guidé par des théologiens comme le dominicain Albert Maria Weiss, qui s’opposent au modernisme, considéré comme un mouvement agnostique, évolutionniste, voire hérétique. La dynamique de cette condamnation est bien esquissée dans la contribution signée par Otto Weiß sur «La modernità al cospetto del giudizio della Chiesa» (161–190). Selon l’auteur, la foi et les dogmes du catholicisme représentent pour la hiérarchie des valeurs surnaturelles et immuables. Et c’est justement en ce sens que chaque tentative «d’une nouvelle interprétation formulée à la rencontre avec le monde et avec le temps est condamnée au départ par les gardiens de la foi comme une relativisation et une historisation de la vérité» (190).

Dans cette perspective, l’excellent essai de Franziska Metzger (Fribourg), «Religione, storia, modernità. Discorsi cattolici sulla storiografia come scienza attorno al 1900» (255– 280), interroge la relation entre religion et histoire, en puisant dans l’historiographie à la lumière de l’ultramontanisme et de l’anti-modernisme. L’histoire de l’Eglise et l’historiographie catholique, selon l’autrice, ne se trouveraient pas en opposition avec la réflexion contemporaine en matière de méthodologie et de théorie de l’histoire. Au contraire, elles les intègreraient dans leur propre conception de l’histoire, en modifiant ainsi l’interprétation: «Religion et histoire sont pensées comme légitimation réciproques» (258).

Parmi les autres contributions du volume, nous citons encore celle de Annibale Zambarbieri (Pavie) sur «Modernismo ed ecumenismo. Un inquadramento storico» ainsi que celle de Rocco Cerrato (Urbin) sur «Filosofia e teologia nella crisi modernista». Ces deux contributions, comme les autres contenues dans le livre, sont précieuses non seulement afin de cerner la nature de la crise moderniste, mais également le contexte, d’un siècle à l’autre, du chemin de l’Eglise catholique dans une société entrant dans l’ère de la moder nité. Un chemin dans lequel le modernisme, avec ses faiblesses comme son caractère «trop élitaire et confiant dans le progrès» (8), est certainement précurseur de la conciliation entre catholicisme et modernité qui adviendra avec le Concile Vatican II.

Zitierweise:
Lorenzo Planzi: Rezension zu: Michele Nicoletti/Otto Weiß (s.l.d.), Il modernismo in Italia e in Germania nel contesto europeo, Bologna, Società editrice il Mulino, 2010. Zuerst erschienen in: Schweizerische Zeitschrift für Religions- und Kulturgeschichte, Vol. 105, 2011, S. 565-567.

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